LES CHALLENGES DES SERVICES DE STREAMING

Changement de paradigme et de relations avec les ayants droits
Combattre dans l’économie de l’attention.
Comment se différencier ?
Marge et rentabilité.
Après des années de crise, l’industrie de la musique connait une vitalité sans précédent.
Après des années de crise et de disette, l’industrie de la musique connait une croissance continue depuis 4 ans. Et sa bonne santé dépasse toutes les espérances.
Le marché mondial de la musique se porte très bien, même si ce marché n’est pas encore revenu à son niveau de 2001, année record qui correspond à l’apogée du marché du CD. (Je situe l’apogée du CD et le début de la prise de conscience de la révolution internet à 2001 aux Etats-Unis, année du procès Napster. J’avais détaillé cela il y a déjà plus de 4 ans sur mon blog)
En 2018, comme détaillé ici avec près de 10% de croissance mondiale, l’IFPI (fédération internationale des industries de la musique enregistrée) annonçait un nouveau record historique de croissance.
Cette croissance est portée par les marchés matures mais est beaucoup plus forte sur des marchés « jeunes » comme l’Amérique du Sud ou l’Asie.
En France, le marché de la musique enregistrée connait aussi un renouveau sans précédent. Le SNEP (syndicat français des éditeurs phonographiques) qui publie les résultats du premier semestre 2019, se réjouit d’un marché français en hausse de près de 13% porté par une croissance du streaming de plus de 28%.
Aux Etats Unis au premier semestre 2019, le streaming s’est imposé comme la première source de revenus et marché a connu une nouvelle croissance sans précédent. En effet le marché américain marque une progression de + 18%. A lui seul, le marché du streaming représente 80% et a progressé de +31% pour atteindre 4,3 Milliards de dollars.
Dans la plupart des marchés mature, le numérique a dépassé le physique depuis quelques années déjà.
Certes cette mutation ne s’est pas déroulée sans souffrances, mais on peut aisément dire -avec l’essor du streaming confirmé depuis 4 ans- que l’industrie de la musique, première industrie créative a avoir été touché par la « révolution internet », a réussi sa mutation.
En France, au premier semestre 2019, le numérique représente déjà 68% des revenus de musique enregistrée.
Nous ne sommes plus là dans une croissance « schumpéterienne » à somme négative, terme barbare du nom de Joseph Schumpter, économiste qui théorisé la « destruction créatrice », processus par lequel, une innovation technologique détruit un secteur économique et donc des emplois, en parallèle du développement de nouvelles activités et de nouveaux emplois.
Peu d’études sont publiées sur l’employabilité dans la filière musicale mais nous pouvons constater à l’EMIC que tous nos étudiants trouvent un emploi dans la filière musicale en France dans un temps record, et bien plus vite que la moyenne nationale.
Music Business Worldwide analyse l’emploi au sein des deux plus grosses majors compagnies UNIVERSAL et WARNER MUSIC et révèle que ces deux majors emploient au total 13 000 personnes dans le monde soit 3000 personnes de plus qu’en 2012.
L’intérêt croissant des investisseurs et du monde la finance pour le marché de la musique est un signe qui ne trompe pas comme souligné ici
Le dernier exemple criant est TENCENT le géant chinois des médias qui s’engage à acquérir 10% d’Universal pour un multiple de 33 fois l’EBITDA
La réponse est oui.
La croissance du marché va continuer encore de nombreuses année grâce à :
Le marché du streaming représenterait d’ici 2024 l’essentiel des revenus pour la musique :
Selon une étude de Goldman Sachs d’ici 2030, 1,15 millards de personnes dans le monde seront abonnés à un service de streaming ce qui ferait passer le marché de la musique à 41 Milliards de dollars soit un niveau bien plus haut que 2001 l’année record du CD (voir ci-dessus)
J’en ai retenu trois.
Dans la filière musicale, l’AI (Artificial Intelligence en anglais) peut améliorer sensiblement le management des méta données associées à la musique. Ce sujet est crucial et je vous renvoie à cette petite vidéo et l’explication brillante sur le site de SOUNDCHARTS
L’intelligence artificielle peut également intervenir dans la composition de musique. De nombreuses start-ups sont déjà sur ce chapitre dont la start-up la start-up Muzeek, -fondée par André Manoukian – dont la technologie est capable de décliner les compositions de « vrais » artistes pour les adapter automatiquement aux images qui lui sont soumises, et en faire donc de nouvelles compositions.
Enfin, l’intelligence artificielle va permettre au site de streaming de s’améliorer dans la génération automatique de playlist, ce qu’ils font déjà grâce aux algorithmes, notamment les playlists contextuelles.
Le contrôle vocal grâce aux technologies de Google, d’Apple (Siri) ou encore d’Amazon (Alexa) est un changement de paradigme pour la musique..
L’histoire de la musique enregistrée a toujours été corrélée à l’évolution de la technologie. Depuis une petite dizaine d’année, avec l’avènement du streaming, le smartphone était devenu le centre névralgique de l’écoute de musique. Il perd désormais ce statut roi dans la mesure ou l’écran n’est plus nécessaire pour piloter sa musique.
La facilité de la commande vocale permet de toucher de nouvelles « cibles » et notamment les seniors mais aussi les enfants.
De plus, grâce à ces enceintes l’écoute de musique augmente. Une étude -que vous pouvez trouver ici – démontre que les consommateurs qui utilisent une enceinte connectée passe plus de temps à écouter de la musique : 34% des détenteurs d’enceinte Amazon Echo ou Google Home passaient plus de 4 heures par jour à écouter de la musique alors que ce pourcentage est de 24% pour le reste de la population.
Les rapports de l’IFPI montre depuis trois une croissance plus forte dans les marchés de la musique émergents : +17% en 2018 en Amérique du Sud, +12% en Asie par exemple. Quant à la Chine, elle est déjà 7e marché mondial alors qu’elle n’apparaissait pas dans le Top 20 il y a 4 ans….
Ces marchés émergents sont également source de nouveaux répertoire et catalogue. La musique globalisée n’est plus uniquement anglo-saxonne, comme nous pouvons constater dans le TOP 10 singles et album mondial en 2018 :
En 20 ans, internet a bouleversé totalement l’industrie de la musique et cette dernière s’est complètement reconfigurée.
Dans le monde, la croissance dépasse les prévisions. Le streaming va s’ouvrir dans de nouveaux marchés. La démocratisation du streaming va permettre à des millions de nouveaux consommateurs d’écouter de la musique.
En France, on ne compte que 6 millions d’abonnés seulement à un service de streaming, la marge de progression est considérable et l’optimisme est donc de rigueur.
La filière musicale est de nouveau une filière d’avenir.
“Alexa, joue moi le titre de ce groupe des années 80 avec les paroles qui commencent par “yesterday i got so old..”
Et mon enceinte connectée Echo -grâce à la technologie de reconnaissance Alexa – de jouer “In Between Days” du groupe The Cure.
L’enceinte connectée et sa technologie de reconnaissance vocale est une révolution pour l’usage et l’expérience de la musique. Un sujet au coeur des préoccupations de la musique numérique, un sujet qui me passionne et que j’ai souvent développer sur ce blog ici.
Amazon a lancé en France son enceinte connectée Echo, le 6 Juin, cheval de Troie de son service de streaming “Amazon Music Unlimited”. Une offre commerciale de lancement agressive “à la Amazon” : Tous les abonnés PRIME auront 40 heures de musique gratuite sans débourser un euro de plus. Un avant gout du service de streaming illimité d’Amazon lancé à l’automne dernier, une technique infaillible pour une conquête de part de marché rapide sur le marché du streaming. Dans un second temps, les abonnements musique seront proposés 8€ au lieu de 10€ pour un abonnement concurrent, Deezer ou Spotify par exemple.
Il y a quelques semaines Google, déjà présent en France depuis Aout 2017 avec son enceinte connectée Google Home, annonce le re-lancement de son service de streaming musical -YouTube Red est rebaptisé YouTube Music- soit l’intégralité du catalogue musical accessible de façon illimitée, sans publicité avec l’écoute de morceaux hors connexion et la lecture de musique en arrière-plan, fonctionnalité demandée depuis longtemps par les utilisateurs de YouTube.
Apple s’apprête a lancer son enceinte connectée le HomePod le 18 Juin, qui permettra de se connecter à son service de streaming Apple Music lancé en France en Juin 2015.
Ce printemps 2018 marque donc un tournant dans le marché de la musique numérique.
Pourquoi les enceintes connectées vont elles modifier à tout jamais le lien qui unit le consommateur à sa musique ?
La facilité de la commande vocale permettra de toucher la cible des seniors mais aussi celle des enfants. Cette technologie permet également de remettre la musique au centre des pièces à vivre notamment le salon ou trônait autrefois cette bonne vieille chaine hi-fi.
Une étude -que vous pouvez trouver ici – montre que les consommateurs qui détiennent une enceinte connectée passe plus de temps à écouter de la musique : 34% des détenteurs d’enceinte Echo ou Google Home passaient plus de 4 heures par jour à écouter de la musique alors que ce pourcentage est de 24% pour le reste de la population.
Les données associées à la musique, renseignées par les ayants droits -producteurs et éditeurs- sont désormais un facteur clé de succès majeur pour émerger lors d’une commande vocale d’un titre. Plus les données associées à un titre sont riches et pertinentes, plus les différentes technologies de reconnaissances -Alexa, Siri, Google Actions ou Cortana…- ont des chances d’identifier et recommander le dit titre.
Ce n’est donc pas étonnant que Nielsen ait payé 560 Millions de dollars pour l’acquisition de Gracenote, spécialiste de la data qui fournit les données associées pour Apple pour plus de 100 millions de titres musicaux et autres et 12 millions de films et de séries.
Une chanson, pour avoir une chance d’être écoutée -dans l’océan des 50 millions de titres présents sur les services de streaming- doit posséder des données associées pertinentes, et pas seulement les données “basiques” (producteur, éditeur, auteur et compositeur, paroles etc, ) mais aussi des données sur le style, mood, tempo, et toutes sortes de données émotionnelles associées. Les ayants droits doivent maîtriser et enrichir les données associées s’ils veulent garder le contrôle de la recommandation.
Un marché en pleine explosion comme expliqué il ya quelques temps sur ce blog.
Mais la bataille entre Google, Amazon, Apple pour les enceintes connectées dépasse l’enjeu des revenus de la vente de ces objets connectés. Les revenus proviendront de la vente d’autres produits et d’autres services. La musique comme produit d’appel ce n’est pas nouveau : iTunes puis Apple Music ont largement contribué à la vente de iPod (jadis), Iphone et autre Mac; YouTube est la première destination au monde de musique mais son modèle économique est la vente de publicité et de données personnelles.
Pour ne prendre que l’exemple d’Amazon : Alexa, son système de reconnaissance vocale, répond à des questions, donne le bulletin météo, commande les objets connectés de la maison mais il permet surtout de faire ses courses sur Amazon.
Sujet d’actualité puisque la commission conduite par Marc Schwartz et nommée par la Ministre de la Culture Fleur Pellerin, a annoncé hier qu’un accord a été trouvé pour un code de “bonnes conduites” sur la rémunération des artistes à l’ère numérique. Cet accord étant le fruit de longues discussions entre les producteurs, les représentants des artistes et les plateformes digitales. A noter cependant que l’Adami et la Spedidam – qui représentent les artistes interprètes – n’ont pas signé l’accord, et que les termes n’ont pas été rendus publics. Nous savons juste que “les acteurs de la filière musicale s’engagent mutuellement (…) pour un développement équilibré assurant une juste répartition des fruits des nouveaux modes de diffusion de la musique”, comme précisé le ministère de la Culture.
De nombreux artistes que je connais se plaignent de ne pas “gagner” assez avec leur revenus numériques. Etant moi-même, en plus de mes activités de conseil, producteur et éditeur, je dois régulièrement leur apporter des réponses à ces questions.
En général, la solution de facilité est de trouver un bouc émissaire. Il est de bon ton de pointer du doigt les services de streaming et leur piètre rémunération pour les ayants droits mais la réalité est un peu plus compliquée que ça.
Le Partage de la valeur :
Quand on examine partage de la valeur avec les plateformes de streaming, la répartition y est assez proche du monde « physique » : Environ 60 à 63% revient au producteur – quand il est également distributeur- puis entre 10 et 13% à l’éditeur, il reste donc environ 25% pour le service de streaming pour financer les frais fixes – personnel, locaux – et variables -stockage, bande passante.
La marge pour un service de streaming reste limitée. En effet, si son modèle économique ne repose que sur la musique et l’abonnement, sa marge est beaucoup plus faible que celle des leaders mondiaux – Apple, Spotify, Google, Amazon – qui ne payent pas la TVA en France, ce qui peut leur dégager environ 15% de marge supplémentaire.
L’age de l’accès :
Expliquer le passage à l’age de l’accès revient à expliquer la différence entre la vente et la location. Quand je vends un produit je touche les revenus d’un coup. A l’inverse, en location les revenus s’étalent dans le temps. La vente d’un album physique s’étale sur un à douze mois dans le meilleur des cas. La vie d’un album en location s’étale ad vitam aeternam.
Le streaming est une disruption technologique. Nous ne pourrons plus revenir à ce que nous avons connu dans le passé. Mais nous ne sommes qu’à l’aube de cet age de l’accès. La France compte très peu d’abonnés ‘réels’ au services de streaming – environ 1 million – si on compare au nombre d’abonnés internet – 22 millions en France. Il convient de se projeter dans un marché de 10 ou 15 millions d’abonnés.
L’ambivalence :
Les artistes oublient souvent que, sur YouTube, ils sont rémunérés 10 fois moins que sur les services de streaming. Qui se plaint de YouTube ? Mais pourquoi les artistes ne se plaignent pas de SoundCloud puisqu’ils n’y sont, pour l’instant, pas rémunérés ? Ces deux plateformes sont considérées, comme des plateformes de “promotion”. Nous rentrons dans l’ambivalence : est ce que j’accepte de ne pas être “payé” pour faire ma promotion ?
Pouvoir de négociation et confiance:
La juste rémunération pour un artiste à l’ère digitale dépend de son pouvoir de négociation. Ce dernier est directement lié à son “attractivité”, sa capacité à etre unique, à développer un univers artistique fort, des chansons accrocheuses, un charisme magnétique, qui lui donnent une valeur unique et donc “marchande” et facilite ainsi le pouvoir de négociation pour la personne qui s’occupe de ses affaires – manager, avocat ou producteur indépendant.
Entre artiste et producteur s’établit une confiance dont la transparence est le garant. La transparence, c’est à dire la transparence dans les relevés de royalties du streaming, dans la juste répartition des avances et minima garantis par les services de streaming au producteurs. Le partage de la valeur donc…. Oui, la transparence est le garant de la confiance. En 2015, un modèle économique de rémunération des ayants droits ne peut être pérenne que s’il repose sur la transparence.
La question n’est pas comme les artistes me la pose souvent : “Puis je gagner ma vie à l’ère digitale si je ne suis ni David Guetta ni Taylor Swift ?” mais “Comment optimiser mes revenus et quel est le meilleur partenaire pour mon projet artistique ?”
Chaque jour des millions d’artistes uploadent leurs titres sur Soundcloud, des centaines de milliers sortent un EP ou un album sur les sites de streaming ou téléchargement. La compétition est très dure, extrèmement plus dure qu’avant. Dire le contraire serait mentir.
La juste rémunération pour un artiste c’est celle qu’il arrive à imposer dans ce marché complexe de la musique : un marché d’offre et non de demande.
Comme annoncé sur ce blog le 21 mai https://danielfindikian.com/2015/05/21/musique-numerique-la-fin-des-invasions-barbares/ Apple a déclaré la guerre aux “barbares” et a placé ses ogives nucléaires en direction de Spotify, YouTube et Soundcloud.
Contrairement a beaucoup de commentateurs, je ne suis pas déçu par cette annonce d’arrivée sur le streaming.
J’en retiens trois choses :
LE FOYER NUMERIQUE et LE STREAMING COMME MARCHE DE MASSE
En lançant un abonnement “family pack” défiant toute concurrence – 15$ pour 6 accounts dans une meme famille – Tim Cook s’inscrit dans la vision de Steve jobs du ‘foyer numérique’ (cf l’excellente biographie écrite par Walter Isaacson)
Avec 500 millions de cartes de crédit en base et grace au “family pack”, Apple a toutes les armes pour faire de l’abonnement streaming un produit familial, un marché de masse.
HUMAN vs MACHINE ? RADIO AFTER ALL
Souvent abordé sur ce blog https://danielfindikian.com/2014/04/11/contre-la-tyrannie-du-choix-robots-vs-humains/ deux écoles pour recommander à l’internaute la musique : des algorithmes ou une équipe éditoriale.
Dans le combat stratégique pour la recommandation musicale que se livrent les plateformes de streaming, et face à la tyrannie du choix, Apple a choisi la recommandation humaine : “the most talented music experts from around the world, dedicated to creating the perfect playlists based on your preferences”
Mais, Tim Cook va plus loin en mettant la radio au centre du modèle “freemium” : il lance la radio Beats 1 avec une dose de “social” et débauche les meilleurs Djs ( Zane Lowe de Radio 1). Il remet donc la main sur la découverte et ses chars en direction de Sirius FM, Pandora et toutes les KCRW. Fort à parier que Beats 1 pourrait devenir incontournable, comme MTV au siècle dernier. A la différence près, que la distribution et la monétisation y sont désormais intégrées.
Une belle vidéo explicative :
UNE PLATEFORME GLOBALE
Apple music veut aller plus loin et devenir le “système d’exploitation de la musique” – l’iOs de la musique – en intégrant les videos ( un missile en direction de YouTube ) ainsi que “connect”( une ogive en direction de Soundcloud ) “artists can share lyrics, backstage photos, videos or even release their latest song directly to fans directly from their iPhone. Fans can comment on or like anything an artist has posted, and share it via Messages, Facebook, Twitter and email”.
Sur ce point, je suis un peu plus sceptique : tenter de rivaliser avec les outils qu’utilisent désormais des millions d’artistes du monde entier – de Soundcloud à Instagram en passant par Bandcamp- n’est pas une mince affaire.”Connect” aura t il autant de succès que PING ?
Apple music reprend donc la main et réaffirme son objectif : Etre le “système d’exploitation de la musique” et séduire 100 millions d’utilisateurs. Rendez-vous dans quelques mois pour analyser les premiers résultats.
20 Mai 2015 et 8 Juin 2015 : deux dates importantes dans l’histoire de la musique numérique ; l’attaque de Spotify contre les barbares (Google-YouTube) et la contre-attaque d’Apple pour regagner sa suprématie.
Hier, Spotify a annoncé l’élargissement de sa plateforme à la video grâce à de nombreux accords avec des producteurs de contenus ( ABC, NBC, TED et Vice, notamment ) ainsi qu’à la mise en ligne de clips musicaux et autres vidéos, se positionnant ainsi comme le concurrent de YouTube.
Lors de sa keynote du 8 juin, Apple annoncera le lancement de son service de streaming.
Ce dernier sera basé sur celui de Beats Music racheté il y a un an pour la somme de 3 milliards de dollars. Cette date est symbolique car elle marquera le passage définitif pour Apple du modèle de la possession, le ‘download’, à celui de l’accès, le ‘streaming’. Cette mutation des usages opérée depuis 2006 – 2007 ( en 2006 Google rachète YouTube et en 2007 Deezer naît sur les cendres de Blogmusik ) est devenue la norme.
Toutes les études le prouvent désormais. Le streaming, et particulièrement le streaming gratuit sur les 11-25 ans, est l’usage principal des consommateurs de musique : 57% des internautes écoutent de la musique via YouTube dans le monde.
Signe des temps, Warner Music a annoncé la semaine dernière être la première major générant des revenus du streaming supérieurs à ceux du téléchargement.
Malgré tout, ce n’est pas si simple car deux camps s’affrontent : le streaming gratuit VS le streaming payant. Deux modèles économiques différents s’opposent.
Pour replacer les événements en perspective, une rapide historiographie de la musique numérique telle que je l’ai vécue.
I) 1997 – 2003 Préhistoire et piraterie
1997 Création de Mp3.com par Michael Robertson.
1999 Shawn Fanning et Sean Parker lance Napster ( et rien ne sera plus jamais comme avant).
2000 Création de nombreux autres sites de P2P : Gnutella, AudioDonkey etc.
2001 Création du Digital Millenium Copyright Act ( DMCA ) aux Etats Unis. Création de Rhapsody. Procès Napster aux US. Fermeture de Napster.
Les majors s’unissent pour lancer deux sites de téléchargement : PressPlay ( Universal et Sony) et MusicNet ( Warner et EMI )
Début de l’Empire Apple : Lancement du gestionnaire de fichiers iTunes mais qui n’est pas encore un magasin.
II) 2003 – 2006 Expansion de l’Empire Apple
2003 Lancement d’iTunes Music Store. Fin de PressPlay et MusicNet.
2003 Essor du marché des sonneries mobiles
III) 2006 – 2012 Début des invasions barbares. Développement du Royaume Spotify
Les usages des consommateurs s’orientent vers le streaming.
2006 YouTube est racheté par Google. Début d’expansion de l’Empire Google, et du modèle gratuit.
2007 Blogmusik devient Deezer sur un modèle gratuit qui devient payant sous la pression des majors.
2008 Lancement de Spotify sur un modèle payant. Fin des DRM. Tentative d’Invasion de l’Empire Amazon sur un modèle de download.
2009 Début des accords avec les FAI pour des offres de streaming en bundle.
2012 Lancement de Google Play.
IV) 2012 – 2015 Expansion des invasions barbares. Déclin de l’Empire Apple. Fin du modèle de la possession et victoire du modèle de l’accès.
2013 Les revenus du download chutent de 8% dans le monde alors que le streaming augmente de +39%. Baisse des revenus d’iTunes Music Store dans le monde. 41 millions d’abonnés payants en streaming dans le monde dont 15 millions chez Spotify.
20 Mai : Contre attaque de Spotify sur YouTube
8 Juin 2015 : Tentative de reconquête d’Apple.
L’arrivée d’Apple sur le streaming va-t-elle marquer le début d’une nouvelle phase dans l’historiographie de la musique numérique et ainsi la fin des invasions barbares ?
Autrement dit, Apple réussira t-il à imposer le streaming payant comme modèle dominant pour reconquérir les territoires pris par Google (Youtube) afin de “monétiser” les consommateurs prêt à payer de nouveau pour la musique ?
Laissons neuf mois à Apple et Spotify pour écrire une nouvelle phase dans l’histoire de la distribution numérique de musique. Rendez-vous dans quelques mois sur ce blog pour la suite de cette historiographie de la musique numérique.
*J’utilise le mot “BARBARE” pour désigner l’empire Google et son armée ( YouTube), en référence au livre d’Alessandro Barrico, “Les Barbares, Essai sur la mutation” dans lequel l’auteur décrit l’effacement progressif d’une culture de type classique au profit de la modernité apportée par les nouvelles technologies. Il qualifie de “Barbares” ces nouveaux entrants. L’auteur s’interroge sur le concept d’expérience pour nous et pour ces nouveaux barbares. Je vous recommande cette lecture ( Merci Virginie) à la fois sérieuse et pleine d’humour.