Jeremy Rifkin. “The zero marginal cost society”

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J’ai une grande admiration pour Jeremy Rifkin.

Jeremy Rifkin est un économiste mais surtout un visionnaire.

J’ai découvert ce prospectiviste en 2000 avec la parution de son livre “L’âge de l’accès”. Un ouvrage fondateur ou Rifkin expliquait la transformation du modèle économique de la possession vers celui de l’accès. Sept ans avant tout le monde, il prédisait donc Spotify, Netflix et l’autolib.

Beaucoup d’autres de ses prédictions passées se sont révélées exactes comme par exemple celles de la fin de son livre “La fin du travail” paru en 1995 ou Rifkin explique les impacts de la technologie sur l’emploi et sur le monde de l’entreprise dans un monde où la croissance ne génère pas d’emploi (jobless growth).
En 2012, Rifkin sort de nouveau un ouvrage remarquable “La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde”. Il y critique la lente mort de nos économies, trop dépendante des énergies fossiles et propose des solutions pour une croissance durable. Selon Rifkin la troisième révolution industrielle “sera le fruit d’une synergie détonante entre les énergies renouvelables et les technologies internet, qui modifiera les modes de distribution de l’énergie au XXI eme siècle. Dans l’ère à venir, des millions de personnes produiront leur propre énergie verte à la maison, au bureau et à l’usine, et elles se la partageront via un système d'”internet de l’énergie” distribuée, tout comme on crée et partage aujourd’hui des informations en ligne.”

Avec la parution, il y a quelques mois, de “Zero marginal cost society”, en français “La Nouvelle Société du coût marginal zéro” c’est la fin du capitalisme que Rifkin prédit.
Comment ne pas être interpellé ?
Toujours très argumenté et documenté, Jeremy Rifkin nous explique qu’Internet ( The Internet of Things ) a quasiment fait disparaître les coûts de production (“le coût marginal”). Sans citer une nouvelle fois la musique, il suffit de citer le marché de l'”information” dans lequel désormais n’importe qui avec son téléphone portable et YouTube peut créer et diffuser un reportage, à coût ‘marginal’.
Demain, nous détaille Rifkin, cela va se passer pour l’énergie -on produira soi-même son électricité à partir de ses panneaux solaires- ou pour les biens manufacturés -que nous fabriquerons avec nos imprimantes 3D.
C’est l’avènement du Prosumer (Producer + Consumer).
Parallèlement, la prise de conscience des “Commons” ( “bien commun” ) et la propagation de la culture collaborative (Wikipédia, AirBnB ou BlaBlaCar) vont contribuer à remplacer, en partie, la culture du profit et de la propriété. La production ne coûtant plus rien, l’échange va t il se généraliser au point de remplacer le capitalisme ?
Rifkin ne prédit pas complètement la fin du capitalisme mais une cohabitation de l’économie traditionnelle et l’économie “sociale”.
Je vous invite à lire ces passionnantes 311 pages, mais si vous passez votre tour alors considérez ce post comme une fiche de lecture.

Transformation digitale ou conduite du changement ?

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“Transformation digitale” : Ces deux mots sont souvent répétés comme un mantra dans les comités de direction, les directions marketing et commerciales, dans les cabinets de conseil, les entreprises de formation jusqu’aux médias qui en font un sujet à la mode.

Je n’ai pas l’intention de couvrir ce vaste sujet en un seul article mais seulement de vous faire part de mes réflexions, Et puisqu’un ami très cher, qui vit loin de ces préoccupations, m’a demandé de lui expliquer la “transformation digitale”, l’exercice valait de le partager.

Cette humble réflexion, est née tout d’abord de mon expérience de la transformation digitale dans l’industrie de la musique, de mes lectures sur le sujet mais aussi de nombreuses discussions avec des dirigeants de l’édition littéraire – suite à mon intervention aux Assises du Numérique de leur syndicat – et des dirigeants de start ups.

Alors, pour l’entreprise la “transformation digitale” c’est quoi ?
Cette expression est un vrai fourre tout. Deux mots “valises” : “transformation” désigne à peu près tout et “digital(e)” est un mot qu’on colle à toutes les sauces.

L’enjeu est de taille : Un rapport élaboré par le cabinet de conseil Mc Kinsey sur la “mutation numérique des entreprises” montre que l’augmentation brute potentielle du résultat opérationnel pour une entreprise qui réussit sa mutation numérique pourrait être de +40 %. Par contre, le risque de réduction du résultat opérationnel pour une entreprise qui ne parviendrait pas à s’adapter au numérique serait de -20%.

Il convient, dans un premiers temps, de le mettre au pluriel : Les transformations digitales.

Les transformations digitales touchent pratiquement tous les types de secteur d’activité car elle modifie des fondamentaux du business.

Première transformation, celle de la digitalisation et de la simplification des process. La mutation numérique est dans ce cas synonyme d’optimisation et réduction des couts. C’est la transformation la plus rapidement intégrée et comprise par les entreprises. D’autant mieux qu’elle est souvent pris en charge par le département informatique, plus connu désormais sous le nom d'”IT” et qui met en place les nouveaux outils technologiques.

Deuxième transformation, celle de la “donnée”, “data” en anglais. Un ensemble de données gigantesque, appellé “Big Data” ( de nombreux ouvrages si vous voulez creuser le sujet dont “Big Data” de Mayer-Schoneberger et Cuvier) qui, pour ne parler que de l’aspect économique, engendrent des opportunités et leviers de business énormes J’en veux pour preuve la puissance de ceux qui en ont fait leur coeur de métier : Google, Amazon, et Facebook.

Troisième transformation : celle du marketing, de l’e-promotion et l’e-reputation. Le contenu devient “digital” et “brand content”. La marque devient un média et le marketing des 4 P de l’histoire ancienne : Le marketing tel qu’on la connu est mort, il doit être remplacé mais cela mériterait un livre entier.

Quatrième transformation, celle du nouveau “parcours client” : on passe du commerce multi canal à omni-canal, transformant ainsi le marketing et la vente. Selon la meme étude Mc Kinsey les entreprises pourraient augmenter potentiellement leur résultat opérationnel de 12 % grâce au développement d’une expérience client omni-canal.

Cinquième transformation : celle de l’Innovation. Innover grâce au numérique, devient plus facile.L’innovation est meme moteur des écosystèmes numériques.L’innovation comme recherche constante de diversification. Des ouvrages comme “The Lean Startup” d’Eric Ries vous permettent d’en savoir plus si vous le souhaitez. La préoccupation centrale devient surtout, pour la survie de l’entreprise, d’appréhender la disruption intervenant dans le secteur. Aucun doute que les dirigeants de G7 savent très bien de quoi je parle….

Sixième transformation et – pour moi- la plus grande transformation : celle du consommateur. Le consommateur devient acteur, modifiant à tout jamais son rapport avec l’entreprise et les marques qu’elle représente. Sur les cendres du département marketing nait le département “consommateur”.
Complexe car au carrefour du commercial, marketing et de la technologie, les transformations numériques n’ont fait qu’accentuer le véritable changement de paradigme : le consommateur est désormais au centre du système.

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Bien entendu les transformations numériques sont différentes selon les secteurs d’activité. Le secteur du tourisme, où près de la moitié des clients réservent leurs voyages en ligne, a ainsi déjà largement fait sa mutation digitale, doublé d’une transformation du modèle économique. Par exemple, les voyagistes ont dû repenser le rôle des agences physiques et le faire évoluer de la vente vers le conseil, tandis que les compagnies aériennes ont largement réintégré la vente en direct des billets d’avion.

Il existe une seconde catégorie d’entreprises : Les industries créatives du contenu. Pour ce secteur la transformation digitale, c’est aussi, en plus, la digitalisation du produit que l’entreprise commercialise.
C’est ce que j’ai connu dans l’industrie de la musique qui a été la première industrie à voir son produit “digitalisé”.
Même si la norme de compression et le format mp3 apparait en 1995, je situe le début de révolution numérique dans l’industrie de la musique à l’apparition du peer to peer – Napster notamment – en 1999.
Pendant plus de quinze ans, l’industrie de la musique a “subi” une double “transformation digitale” suivie dès 2008 d’une mutation des modèles économiques puisque qu’en cinq années, le “business model” de la musique enregistrée est passé de la “possession” à l”accès” Pour cette raison de sa trajectoire est intéressante. D’autres secteurs connaissent depuis cette triple mutation – la transformation numérique, celle du produit, celle du modèle économique – il s’agit de la presse, l’édition littéraire, le cinéma etc…mais je ne vais pas m’étendre car j’ai de nombreuses fois écrit à ce sujet sur ce blog.

Transformations numériques ou conduite du changement ?

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Un décalage s’est créé entre l’adoption du numérique par les particuliers et celui des entreprises.

L’étude réalisée par Mc Kinsey, en analysant les composantes du PIB numérique, démontre que la France se classe au 4ème rang de l’échantillon de 13 pays au regard de la consommation privée, mais seulement au 9ème rang en matière d’investissement privé, ce qui suggère qu’en France le PIB numérique est tiré par les consommateurs. Les internautes français ont déjà largement adopté les nouveaux usages numériques alors que les entreprises sont en retard.

Pourquoi les entreprises ont elles pris du retard ?

-Des organisations en silos non adaptée, par nature, à la transformation numérique qui doit être transversale entre métiers et fonctions.
-Un manque de “talents” : Les entreprises rechigne a embauché des jeunes avec des compétences numériques.
-Un manque d’implication du top management dans les problématiques numériques.

Les grandes entreprises du siècle dernier se sont formées sur des fondamentaux qui ont atteints leurs limites : productivité individuelle, organisation en silos, management vertical et pyramide décisionnelle, verrouillage du marché par des brevets, spécialisation des profils etc.

Les transformations numériques sont souvent un chantier douloureux car les bénéfices ne sont pas tout de suite perçus, mais elle constituent une occasion unique d’enclencher un cercle vertueux en réinvestissant, à terme, les gains de productivité pour améliorer l’offre consommateur et donc accroitre l’avantage concurrentiel.

La conduite du changement est le sujet, les transformations digitales ne sont que le paysage.

La conduite du changement passe par un changement de culture de l’entreprise, largement alimentée par l’evolution des pratiques et méthodes de travail entre collaborateurs.

La résistance au changement est naturelle, surtout quand on annonce des vérités qui donnent le vertige – 60% des jobs de 2025 n ‘existent pas encore – mais la conduite du changement est un préalable nécessaire si les entreprises veulent survivre.
Avant d’être attaquées fortement par des acteurs fortement disruptifs, les entreprises doivent avoir le courage d’adopter des pratiques plus agiles.

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La conduite du changement est un impératif urgent pour la survie des entreprises pour leurs marges mais aussi, et surtout, pour leurs hommes.

 

Découverte musicale ou tyrannie du choix ? More is Less.

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Le choix illimité et la découverte de musique sont-ils compatibles ?

Depuis l’avènement du numérique, l’histoire de l’industrie de la musique est jalonnée de dates importantes : 2001, le procès Napster; 2003, le lancement d’iTunes; 2007, Blogmusik puis Deezer; 2008, le lancement de Spotify.
2014 marquera l’année de la consécration du streaming mais aussi de ses paradoxes.

Pour les fanatiques de musique, le streaming, c’est la “terre promise”. Ce qu’on pouvait rêver de mieux dans nos rêves les plus fous. C’est la caverne d’Alibaba, comme rentrer dans une confiserie et tout dévorer, sans limite.

Mais pour les “non fanatiques”, juste les gens “normaux” ?

Les services de streaming donnent accès à l'”illimité”. Mais, ces derniers sont face à un paradoxe. Devant trop de choix, la passivité s’installe voir l’angoisse. Plus le choix augmente et plus la satisfaction baisse. Dans son ouvrage “Le paradoxe du choix” le psychologue américain Barry Schwartz explique – avec talent- que le choix ne nous rend pas plus libres mais plus paralysés, pas plus heureux mais plus insatisfaits.

La plupart des “consommateurs” de musique n’ont pas le soucis de la “découverte”. Seuls professionnels s’en persuadent.
Si on exclut les personnes qui consomment la musique comme une addiction -comme moi- la plupart des gens veulent juste “écouter de la musique”. Pour cette raison, la radio reste un média puissant. C’est d’ailleurs ce que révèle la dernière étude conduite par MELTY pour mesurer les pratiques du streaming auprès des jeunes : Si les sites de streaming sont le vecteur de découvertes musicales pour 48% des meltynautes interrogés, la radio et la télévision restent des médias très influents, cités à hauteur de 50% et 39% respectivement.

Alors, que faut-il pour que le consommateur ne soit pas angoissé en arrivant sur une plateforme de musique face à 30 millions de titres ?
Il faut un “filtre”, un “curator”, un “guide”. Algorithme ou recommandation humaine, on en revient au rôle premier des médias dit “spécialisés” et du bon vieux “disquaire”, ce copain qui guidait mes choix quand j’étais adolescent.
C’est finalement l’imprévu et la surprise qui nous donne le plus de plaisir. Et ceci dans de nombreux domaines, comme le démontre Renata Salecl dans “la Tyrannie du Choix” dont je vous recommande la lecture.

Pour les services de streaming “LE PARADOXE DU CHOIX” c’est que MORE IS LESS.

1989 (courtesy of Taylor Swift ?)

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J’aimerais revenir en 1989.

Le monde changeait à notre vitesse. L’entreprise était stable et sécurisante. Nous vendions des produits à des consommateurs. Chacun avait sa place. Chaque action marketing, promotionnelle ou commerciale avait des répercutions tangibles. Il était possible de prévoir. Pour l’industrie de la musique,1989 est l’année de l’explosion du marché du CD, format qui, pendant quinze ans, entrainera une croissance formidable de ce secteur.

Je ne pourrai jamais revenir en 1989.

L’album de la jeune Taylor Swift s’appelle 1989. Hasard sans doute.
Il y a quelques jours, Taylor Swift – enfin… son équipe de management et/ou sa maison de disque – retire son album des services de streaming, lui préférant le modèle du téléchargement.
Le management de Taylor Swift cherche à optimiser les ventes dans une vision court terme. Il s’agit de “milker” comme diraient les consultants des années 90.
Deux jours plus tard, Daniel Ek, PDG de Spotify, se positionne en leader des services de streaming en lui faisant une réponse bien argumentée.
Ces échanges épistolaires peuvent paraître anodins mais sont un signe de la difficulté pour les acteurs en présence de voir leur monde changer, se transformer.
Et YouTube d’annoncer hier son service de streaming payant avec un prix mensuel de l’abonnement à 7,99 euros qui fixera, sans aucun doute, le nouveau prix du marché.
On peut le regretter mais le monde de 1989 n’existe plus.
L’ âge de la possession et son modèle du téléchargement appartiennent définitivement au passé.
L’industrie de la musique enregistrée est entrée dans l’ “âge de l’accès” pour reprendre le titre de l’ouvrage visionnaire de Jeremy Rifkin cité de nombreuses fois dans ce blog.
Le nier est nier le monde dans lequel nous vivons. Ne pas s’adapter, c’est refuser d’écouter le consommateur et donc renvoyer les fans de musique vers l’illégalité.
Le streaming est la seule innovation disruptive que l’économie de la musique ait connu depuis l’invention du support au début du siècle dernier. Comme décrit dans “The innovator’s dilemma”, livre de référence de Clayton Christensen, professeur à Harvard, une innovation disruptive est une innovation qui, dans un premier temps, se traduit par une baisse de la qualité, puis parvient ensuite en répondant à des logiques financières différentes, à changer définitivement l’équilibre entier d’un secteur.
Qu’on le veuille ou non, le streaming transforme de façon définitive le modèle économique et les techniques de marketing du marché. Ce faisant, il modifie les relations entre consommateurs et artistes. Ces changements auront pour conséquence de transformer les organisations.Soit dans la douleur, soit dans l’action.

De quoi « Songs of innocence » est-il le chant ? (courtesy of U2)

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Sauf si vous étiez sur une île déserte la semaine dernière, vous avez  sans doute appris que U2  a donné son nouvel album “Songs of innocence”  à 500 millions d’utilisateurs Apple.

Cet évènement, annoncé lors la keynote d’Apple le 10 septembre par Tim Cook, le PDG d’Apple, n’était qu’un “one more thing” après l’annonce de la montre et de l’iPhone 6,  mais il est malgré tout suffisamment important pour s’y arrêter quelques minutes.

Les plus avertis diront “rien de nouveau sous le soleil”. En effet, la musique comme “produit d’appel” possède un fort pouvoir d’attraction pour vendre un produit ou un service. Dans le jargon des opérateurs de téléphonie, c’est aussi un levier efficace de “rétention” des consommateurs. La musique est gratuite certes, mais pour y accéder il faut acheter un ordinateur ou un smartphone, une connexion internet ou un abonnement téléphonique etc.

Nous avions été habitués à quelques centaines de milliers d’exemplaires « offerts »  – Prince en 2007 et son nouvel album ‘planet earth’ avec un célèbre quotidien anglais – puis un million d’exemplaires avec JayZ et Samsung en Juin 2013. Dans le cas présent, le volume change puisque l’album est donné à 500 millions d’utilisateurs. J’attends avec impatience la barre du milliard.

Rien de nouveau sous le soleil également en terme médiatique. Un coup “marketing” de ce groupe, autrefois important, aujourd’hui dépassé par les Coldplay, Linkin Park et autres Black Keys. U2 vend moins d’albums et cette exposition médiatique permet de compenser le manque de proposition artistique du groupe. U2 et Apple sont proches depuis longtemps, et cette proximité est renforcée par l’arrivée chez Apple de Jimmy Iovine, producteur et « music business executive » de renom. Racheté au prix d’un footballeur, Jimmy Iovine, est désormais chez Apple le remplaçant de Steve Jobs dans le rôle de « l’ami des artistes ». Il est le co-fondateur de Beats avec Dr Dre, société rachetée avant l’été par la firme à la pomme, comme détaillé dans mon post du 3 juin sur ce blog.

Tout ceci permet au cours de l’action Apple de grimper. Ce dernier n’a jamais été aussi haut, atteignant 101,73 dollars ce samedi 13 septembre.  Cette hausse reflète la confiance retrouvée des investisseurs en Apple grâce à la capacité du PDG Tim Cook à déjouer la concurrence et élargir le champ d’action de l’entreprise fondée par le visionnaire Steve Jobs. Désormais, la firme voit sa capitalisation grimper jusqu’aux 602 milliards de dollars, de loin l’entreprise la plus cotée en bourse.

Alors, de quoi cet événement est-il le symbole ?

Il est le symbole de l’avènement de « l’âge de l’accès », pour reprendre le titre de l’ouvrage visionnaire de Jeremy Rifkin, qui, dès 2001, décrivait la fin de la possession et le monde de l’accès.

Il est le chant du cygne du download.

Si le marché de la musique digitale est en croissance, c’est grâce au streaming. Le download est déjà en forte décroissance dans de nombreux pays.

A l’heure ou en France, le SNEP ( syndicat national des éditeurs phonographiques ) lance le premier “hit parade” streaming ( les 200 titres les plus streamés ), MIDIA Research ( www.midiaresaech.com ) révèle dans sa passionnante étude de prospectives que le chiffre d’affaires mondial du streaming devrait augmenter de 240% jusqu’en 2019. Ainsi, il représenterait 71% des revenus digitaux et 41% du chiffre d’affaires global en 2019.

Offrir cet album de U2 est donc un outil de plus pour Apple pour garder ses consommateurs dans l’écosystème Apple, les préparer au lancement du service de streaming Beats / iTunes Music et assurer la transition du download vers le streaming.

Cet épisode est aussi une nouvelle preuve de la lente mutation -ou disparition- du format album.

A l’heure du streaming, la musique se consomme de plus en plus sous forme de playlist grâce aux algorithmes de recommandation et aux données sociales. C’est le retour du single et de la force du “track”. La forme artistique de l’album n’est sans doute pas morte mais elle ne sera plus la principale.

Le format album dans sa phase mature est apparu dans les années soixante. L’évolution de la technique permettait des plages plus longues, libérant ainsi les artistes de certaines contraintes. Des groupes comme les Beatles, Pink Floyd, ou Led Zeppelin firent ainsi avancer la création en s’appropriant ce format. Cette avancée technologique permit de sortir des albums qui resteront dans l’histoire de la musique du 20e siècle.

Aujourd’hui, les avancées technologiques permettent de nouveau une mutation du format. Un album qui reflète l’univers de l’artiste devrait être désormais interactif, dynamique, mis à jour régulièrement, et inclure de l’audiovisuel, des jeux, des textes etc. La technique permet tout cela. Comme développé par Mark Mulligan sur son excellent blog http://musicindustryblog.wordpress.com , je pense également que c’est aux artistes de se réapproprier ce format de la création. Les producteurs devraient les y aider.

Le format album est mort. Une occasion pour le réinventer.