
“Transformation digitale” : Ces deux mots sont souvent répétés comme un mantra dans les comités de direction, les directions marketing et commerciales, dans les cabinets de conseil, les entreprises de formation jusqu’aux médias qui en font un sujet à la mode.
Je n’ai pas l’intention de couvrir ce vaste sujet en un seul article mais seulement de vous faire part de mes réflexions, Et puisqu’un ami très cher, qui vit loin de ces préoccupations, m’a demandé de lui expliquer la “transformation digitale”, l’exercice valait de le partager.
Cette humble réflexion, est née tout d’abord de mon expérience de la transformation digitale dans l’industrie de la musique, de mes lectures sur le sujet mais aussi de nombreuses discussions avec des dirigeants de l’édition littéraire – suite à mon intervention aux Assises du Numérique de leur syndicat – et des dirigeants de start ups.
Alors, pour l’entreprise la “transformation digitale” c’est quoi ?
Cette expression est un vrai fourre tout. Deux mots “valises” : “transformation” désigne à peu près tout et “digital(e)” est un mot qu’on colle à toutes les sauces.
L’enjeu est de taille : Un rapport élaboré par le cabinet de conseil Mc Kinsey sur la “mutation numérique des entreprises” montre que l’augmentation brute potentielle du résultat opérationnel pour une entreprise qui réussit sa mutation numérique pourrait être de +40 %. Par contre, le risque de réduction du résultat opérationnel pour une entreprise qui ne parviendrait pas à s’adapter au numérique serait de -20%.
Il convient, dans un premiers temps, de le mettre au pluriel : Les transformations digitales.
Les transformations digitales touchent pratiquement tous les types de secteur d’activité car elle modifie des fondamentaux du business.
Première transformation, celle de la digitalisation et de la simplification des process. La mutation numérique est dans ce cas synonyme d’optimisation et réduction des couts. C’est la transformation la plus rapidement intégrée et comprise par les entreprises. D’autant mieux qu’elle est souvent pris en charge par le département informatique, plus connu désormais sous le nom d'”IT” et qui met en place les nouveaux outils technologiques.
Deuxième transformation, celle de la “donnée”, “data” en anglais. Un ensemble de données gigantesque, appellé “Big Data” ( de nombreux ouvrages si vous voulez creuser le sujet dont “Big Data” de Mayer-Schoneberger et Cuvier) qui, pour ne parler que de l’aspect économique, engendrent des opportunités et leviers de business énormes J’en veux pour preuve la puissance de ceux qui en ont fait leur coeur de métier : Google, Amazon, et Facebook.
Troisième transformation : celle du marketing, de l’e-promotion et l’e-reputation. Le contenu devient “digital” et “brand content”. La marque devient un média et le marketing des 4 P de l’histoire ancienne : Le marketing tel qu’on la connu est mort, il doit être remplacé mais cela mériterait un livre entier.
Quatrième transformation, celle du nouveau “parcours client” : on passe du commerce multi canal à omni-canal, transformant ainsi le marketing et la vente. Selon la meme étude Mc Kinsey les entreprises pourraient augmenter potentiellement leur résultat opérationnel de 12 % grâce au développement d’une expérience client omni-canal.
Cinquième transformation : celle de l’Innovation. Innover grâce au numérique, devient plus facile.L’innovation est meme moteur des écosystèmes numériques.L’innovation comme recherche constante de diversification. Des ouvrages comme “The Lean Startup” d’Eric Ries vous permettent d’en savoir plus si vous le souhaitez. La préoccupation centrale devient surtout, pour la survie de l’entreprise, d’appréhender la disruption intervenant dans le secteur. Aucun doute que les dirigeants de G7 savent très bien de quoi je parle….
Sixième transformation et – pour moi- la plus grande transformation : celle du consommateur. Le consommateur devient acteur, modifiant à tout jamais son rapport avec l’entreprise et les marques qu’elle représente. Sur les cendres du département marketing nait le département “consommateur”.
Complexe car au carrefour du commercial, marketing et de la technologie, les transformations numériques n’ont fait qu’accentuer le véritable changement de paradigme : le consommateur est désormais au centre du système.

Bien entendu les transformations numériques sont différentes selon les secteurs d’activité. Le secteur du tourisme, où près de la moitié des clients réservent leurs voyages en ligne, a ainsi déjà largement fait sa mutation digitale, doublé d’une transformation du modèle économique. Par exemple, les voyagistes ont dû repenser le rôle des agences physiques et le faire évoluer de la vente vers le conseil, tandis que les compagnies aériennes ont largement réintégré la vente en direct des billets d’avion.
Il existe une seconde catégorie d’entreprises : Les industries créatives du contenu. Pour ce secteur la transformation digitale, c’est aussi, en plus, la digitalisation du produit que l’entreprise commercialise.
C’est ce que j’ai connu dans l’industrie de la musique qui a été la première industrie à voir son produit “digitalisé”.
Même si la norme de compression et le format mp3 apparait en 1995, je situe le début de révolution numérique dans l’industrie de la musique à l’apparition du peer to peer – Napster notamment – en 1999.
Pendant plus de quinze ans, l’industrie de la musique a “subi” une double “transformation digitale” suivie dès 2008 d’une mutation des modèles économiques puisque qu’en cinq années, le “business model” de la musique enregistrée est passé de la “possession” à l”accès” Pour cette raison de sa trajectoire est intéressante. D’autres secteurs connaissent depuis cette triple mutation – la transformation numérique, celle du produit, celle du modèle économique – il s’agit de la presse, l’édition littéraire, le cinéma etc…mais je ne vais pas m’étendre car j’ai de nombreuses fois écrit à ce sujet sur ce blog.
Transformations numériques ou conduite du changement ?

Un décalage s’est créé entre l’adoption du numérique par les particuliers et celui des entreprises.
L’étude réalisée par Mc Kinsey, en analysant les composantes du PIB numérique, démontre que la France se classe au 4ème rang de l’échantillon de 13 pays au regard de la consommation privée, mais seulement au 9ème rang en matière d’investissement privé, ce qui suggère qu’en France le PIB numérique est tiré par les consommateurs. Les internautes français ont déjà largement adopté les nouveaux usages numériques alors que les entreprises sont en retard.
Pourquoi les entreprises ont elles pris du retard ?
-Des organisations en silos non adaptée, par nature, à la transformation numérique qui doit être transversale entre métiers et fonctions.
-Un manque de “talents” : Les entreprises rechigne a embauché des jeunes avec des compétences numériques.
-Un manque d’implication du top management dans les problématiques numériques.
Les grandes entreprises du siècle dernier se sont formées sur des fondamentaux qui ont atteints leurs limites : productivité individuelle, organisation en silos, management vertical et pyramide décisionnelle, verrouillage du marché par des brevets, spécialisation des profils etc.
Les transformations numériques sont souvent un chantier douloureux car les bénéfices ne sont pas tout de suite perçus, mais elle constituent une occasion unique d’enclencher un cercle vertueux en réinvestissant, à terme, les gains de productivité pour améliorer l’offre consommateur et donc accroitre l’avantage concurrentiel.
La conduite du changement est le sujet, les transformations digitales ne sont que le paysage.
La conduite du changement passe par un changement de culture de l’entreprise, largement alimentée par l’evolution des pratiques et méthodes de travail entre collaborateurs.
La résistance au changement est naturelle, surtout quand on annonce des vérités qui donnent le vertige – 60% des jobs de 2025 n ‘existent pas encore – mais la conduite du changement est un préalable nécessaire si les entreprises veulent survivre.
Avant d’être attaquées fortement par des acteurs fortement disruptifs, les entreprises doivent avoir le courage d’adopter des pratiques plus agiles.

La conduite du changement est un impératif urgent pour la survie des entreprises pour leurs marges mais aussi, et surtout, pour leurs hommes.