Catalogue et droits musicaux : des actifs très attractifs

L’année 2021 s’achève pour le secteur de la musique, et cette année sera marquée par un emballement sans précédent des investissements dans les droits musicaux notamment avec l’implication des nouveaux investisseurs dans ce domaine.

Il y a quelques jours Bruce Springsteen, finalisait la vente de la totalité de ses masters et ses droits éditoriaux  à SONY MUSIC pour la somme de 500 millions de dollars. C’est le plus gros montant jamais atteint pour le catalogue de droits d’un artiste. Cette cession d’actifs fait suite à celle de Bob Dylan, qui avaient cédé les droits de ses chansons (en tant qu’auteur-compositeur) pour un montant de 400 Millions de dollars, à Universal, et quelques mois avant Neil Young, pour un montant de 150 Millions de dollars pour ne citer que ces trois “monstres sacrés” du rock des années 60 ou 70 (“héritage” comme disent les anglais) qui ont traversé les quatre dernières décennies en continuant à créer.  Mais la liste est beaucoup plus longue : Paul Simon, Tina Turner, Shakira, Red Hot Chili Peppers, Blondie, The Pretenders, Fleetwood Mac etc. beaucoup d’artistes ont cédés tout ou partie de leurs enregistrements ou droits éditoriaux.
Il y a quelques jours également WARNER MUSIC annonçait qu’ils venaient de conclure un accord pour acheter le label de rap 300 entertainment pour 400 millions.

ET DE NOUVEAU L’ARGENT COULE A FLOT.

Les catalogues de musique -droits masters ou droits publishing- attirent très fortement les investisseurs qu’ils soient des acteurs traditionnels – comme les majors du recording ou du publishing- ou de nouveaux investisseurs. Les valorisations de ces catalogues s’envolent.
Pour les acteurs traditionnels cela fait  sens car ils investissent dans le  “back catalogue” pour renforcer leur part de marché dans un marché du streaming ou les revenus sont liés à cette même part de marché.

Attirés par ces actifs attractifs, de nouveaux acteurs  investisseurs apparaissent depuis quelques années.

Les nouveaux investisseurs

Ces nouveaux investisseurs financiers, soutenus par des fonds, interviennent déjà depuis trois ou quatre ans. Je cite ici les principaux :
HIPGNOSIS FUNDS. Créé par MERCK MERCURIADIS, personnage médiatique du “music business” ancien manager de Beyoncé, Elton John, Morrissey ou les Guns N’ Roses, Hipgnosis a levé 1,75 milliards de dollars pour financer l’acquisition de catalogues masters et d’éditions. Aujourd’hui Merck Mercuriadis annonce qu’il détient les droits de 146 catalogues et de 65.413 chansons, pour une une valorisation qui serait de 2,2 Milliards de Dollars.

HIPGNOSIS FUNDS est soutenu par BLACKSTONE un des fonds financiers les plus importants dans le monde. HIPGNOSIS fut introduit en bourse en Novembre 2020, passage nécessaire pour acquérir une crédibilité financière afin d’attirer d’autres investisseurs.

PRIMARY WAVE
Après avoir levé 300 millions de dollars auprès de BLACK ROCK, un des fonds les plus puissants au monde, une  seconde levée de 500 millions a été réalisée. Ainsi, ce dernier aurait donc 800 millions de dollars à investir dans l’acquisition de droits. Dans les 6 derniers mois, Primary a fait l’acquisition de nombreux catalogues dont celui de Prince, Bing Crosby, James Brown etc.

ROUND HILL
Tout comme Hipgnosis, la société Round Hill Music Royalty Fund qui possèdent déjà les actifs de nombreux artistes, dont Massive Attack par exemple. Round Hill Fund est également rentré en Bourse en Novembre 2020, tout comme Hipgnosis afin de pouvoir lever plus d’argent pour cette course à l’acquisition des catalogues…

KKR
En Mars dernier, KKR annonçait qu’ils faisaient équipe avec BMG pour créer un fond de 1 milliard de $ pour racheter des catalogues et ils viennent de racheter hier le catalogue des barbus de ZZ TOP

Et de nouveaux fonds …
En avril dernier, le fond américain OUTLAND FUND s’associe avec CTM, société fondée par un professionnel de l’industrie musicale , le néerlandais André De Raaf, afin, eux aussi, de monter un nouveau fond qui sera capable d’investir 1 Milliard de Dollars dans l’acquisition de masters et éditions.

MAIS POURQUOI LES INVESTISSEURS SONT-ILS SI CONFIANTS ?

La musique, et les droits qui y sont associés, constituent de nouveau de très solides actifs pour tous les investisseurs et cela pour trois raisons essentielles  :


La croissance du marché du streaming de la musique enregistrée.

En 2020, le marché de la musique se porte très bien et dépasse son niveau de 1999 , c’est à dire d’avant la crise. Avec une augmentation de +7,4%, le marché enregistre sa 6e année consécutive de croissance, tout les détails sur les chiffres de marché dans le rapport de l’IFPI. Un boom de la musique enregistrée dopé par la croissance du streaming (+19,9%) qui représente plus de 62% des revenus dans le monde.

En ce qui concerne les droits publishing, on observe le même enthousiasme. Même si les chiffres publiés par la CISAC, la confédération des sociétés d’auteurs et compositeurs, montrent une chute en 2020 conjoncturelle due à la pandémie qui a provoqué une chute des revenus du live et des exécutions publiques à travers le monde, les perspectives sont réjouissantes. La National Music Publishers Association annonçait il y a peu, une croissance de +19,5% pour les droits de reproductions mécaniques aux Etats Unis.

Des actifs stables et des paiements réguliers.

Les droits sont prévisibles, car les prévisions du streaming sont fiables  à long terme et peu affectées par les aléas économiques, preuve a été faite lors de la pandémie ou le streaming a continué à croitre.  Le cash flow est également un facteur qui rassure les investisseurs car les paiements des plateformes sont sécurisés par des contrats de licence à long terme et les versements réguliers.

La diversification des revenus et croissance forte des pays émergents.

Tik Tok, Twitch, Roblox, etc.. Les nouvelles sources de monétisation pour la musique explosent et rendent très optimistes les détenteurs de droits. Warner Music très actif dans la diversification – Warner a pris des participation dans ROBLOX- déclarait à travers son président Steve Cooper que cette diversification représentait déjà une part non négligeable des revenus de la major.
La forte croissance des pays émergents comme l’Amérique latine (une croissance de + 16%), L’Asie et des perspectives de développement du streaming dans les prochaines année en Afrique au Moyen Orient.

MAIS QUE FAUT-IL FAIRE AVEC TOUT CET ARGENT ?

Si les droits musicaux valent de l’or désormais, Il convient maintenant de gagner en efficacité pour les identifier et les réclamer.
L’absence d’une base mondiale unifiée des oeuvres -masters/copyrights- fait cruellement défaut. Les données associées aux oeuvres sont encore pauvres et ne permettent pas toujours de bien les identifier.  L’argent qui afflue doit servir à investir sur des solutions technologiques pour mieux identifier les oeuvres et ainsi mieux les collecter et les redistribuer. L’investissement dans ces solutions technologiques sera déterminant.

Désormais l’accès au capital est facile contrairement à la décennie noire -2003 à 2013- période pendant laquelle personne ne donnait pas cher de la peau de l’industrie musicale …A cette époque, la situation pour la musique semblait même complètement désespérée. Les temps ont changé : Les acteurs traditionnels et les nouveaux investisseurs investissent dans le business de la musique.
Si les multiples de calculs pour l’acquisition des catalogues d”hier dépassent parfois 20 ou 25, qu’en est-il pour les catalogues récents ? il s’agirait maintenant de construire l’avenir et d’investir dans les artistes qui constitueront les catalogues de demain.